René Pronovost

Director, Montréal Botanical Garden / Space for Life

Dernière mise à jour : lundi 11 mars 2024,

Chercheurs, gens du public et gouvernements s’aperçoivent que les jardins et les paysages pittoresques contribuent de manière exceptionnelle à la santé humaine. Le 30 octobre 2018, le Labo d’urbanisme de la CCN s’est associé à Canadensis pour explorer les nombreux bienfaits des espaces verts dans nos villes.

Trois spécialistes du domaine donnent leurs points de vue particuliers sur ce sujet :

  • Harry Jongerden, directeur général, Jardin botanique de Toronto
  • René Pronovost, directeur, Jardin botanique de Montréal | Espace pour la vie
  • Alice Hutton, Services de santé Royal Ottawa

Parlez-moi de votre organisation et de votre rôle particulier.

René Pronovost : En tant que directeur du Jardin botanique de Montréal, institution faisant partie d’Espace pour la vie tout comme le Biodôme, l’Insectarium et le Planétarium Rio Tinto Alcan, je contribue à la mission commune du groupe de rapprocher l’humain de la nature et de protéger la biodiversité de notre planète. Nous avons un mandat de diffusion, de conservation, de recherche et d’éducation.

Harry Jongerden : Le Jardin botanique de Toronto est le seul jardin botanique de Toronto. Nous sommes à l’heure actuelle le plus petit jardin botanique du Canada. En raison de la disparité entre la taille de notre ville et celle de notre jardin, nous nous apprêtons à l’agrandir de 30 acres. Tel est mon objectif en tant que directeur général.

Alice Hutton : Le Royal est un centre de soins spécialisés en santé mentale qui offre des soins aux patients hospitalisés et en clinique externe aux résidants de l’Est ontarien. Dans le cadre de mon rôle de principale responsable de Champlain : Acheminement vers de meilleurs soins, je travaille à des projets de collaboration avec des programmes et des organismes de santé mentale et de toxicomanie de la région.

Y a-t-il un projet auquel vous avez travaillé dont vous êtes le plus fier? Comment peut-il être adapté à la capitale du Canada?

René : L’un des projets qui ont teinté ma carrière et qui m’inspirent, encore à ce jour, est celui de la renaturalisation des berges de la rivière Saint-Charles. Nous avons débétonné les berges et restauré un écosystème naturel indispensable à la santé de la rivière. Au début du 2e siècle, les grandes villes ont tourné le dos à leurs rivières et à leurs lacs. Notre défi aujourd’hui est de redonner la place importante aux cours d’eau et de les valoriser au sein même de nos villes.

Plan du parc riverain de la berge sud de la rivière des Outaouais

Ce plan permet de relier les gens à la rivière des Outaouais, lieu chargé d’histoire, et de transformer les terrains riverains adjacents à la promenade pour y créer un parc emblématique de la capitale.

Je suis aussi fier du parcours des phytotechnologies, un projet ambitieux du Jardin botanique de Montréal qui vise à résoudre des problématiques environnementales urbaines en faisant travailler les plantes.

Harry : Je suis très fier de mon travail au projet primé du centre des visiteurs du jardin botanique VanDusen de Vancouver. C’est un « édifice vivant » qui produit sa propre électricité et qui jouit de son propre apport naturel en eau. Il existe très peu d’édifices comme celui-là dans le monde. Je crois que ce type d’édifice peut être adapté à la capitale du Canada, mais avec quelques modifications en raison du climat froid. Il y a des défis partout où se trouvent des édifices vivants. Par exemple, l’électricité est un défi à Vancouver puisque les journées ensoleillées sont limitées.

Alice : Professionnellement, à l’endroit où je travaille au Royal, de nombreuses caractéristiques naturelles aident les gens à établir un meilleur contact avec la nature, dont celles-ci :

  • des secteurs boisés aménagés sillonnés de sentiers et six jardins intérieurs aménagés dans l’enceinte de l’hôpital;
  • des chambres de patients hospitalisés qui surplombent ces jardins;
  • un jardin à papillons;
  • des potagers thérapeutiques

Tous ces éléments peuvent être adaptés à plus grande échelle, à d’autres endroits, pour en faire profiter la capitale nationale. Nous devons envisager la façon de concevoir les espaces verts et les jardins en raison de l’incidence considérable qu’ils ont sur notre santé mentale et notre bien-être. Nous avons passablement accès à la nature et au milieu agricole grâce à la Ceinture de verdure de la CCN et aux programmes des jardins communautaires à Ottawa.

Comment les jardins botaniques peuvent-ils créer une capitale plus dynamique et branchée?

Harry : Je crois qu’un jardin botanique à Ottawa peut faire cela. À Toronto, nous venons de recevoir une importante subvention pour concevoir un projet, qui respecte notre plan directeur [Anglais seulement], pour nous aider à mieux communiquer avec nos visiteurs et nos partenaires grâce à la technologie. Cela joue un rôle important dans la façon de raconter les histoires liées à notre collection de végétaux aux gens et aux institutions de conservation du monde entier. Cela nous permettra de diffuser nos messages en plusieurs langues et d’atteindre davantage de gens.

René : Un mandat important des jardins botaniques est d’éduquer le plus de gens possible aux enjeux environnementaux et, ultimement, de développer la participation citoyenne. Être présent dans les communautés, à l’extérieur du jardin, représente un défi de taille. C’est pourquoi nous élaborons des programmes innovants qui permettent aux citoyens d’inviter la nature chez eux et qui les encouragent à verdir leur milieu. Le programme Mon jardin, par exemple, reconnaît l’action citoyenne en remettant une certification aux citoyens responsables de jardins qui ont un effet positif sur la biodiversité.

Comment les jardins et les paysages contribuent-ils à notre santé? Pouvez-vous me donner un exemple de projet particulier?

Alice : Voici une histoire brève racontée par l’Équipe communautaire de traitement intensif (ECTI) de l’hôpital Montfort. L’ECTI est un programme communautaire à l’intention des personnes présentant un trouble mental sévère et persistant et qui, en général, ont été hospitalisées 40 jours ou plus au cours des deux dernières années. Cette équipe travaillait à élever la capacité d’agir de ces personnes, entre autres soins cliniques. Une personne était très retirée et isolée. Ils ont remarqué qu’elle aimait les fleurs; ils ont commencé à intégrer une activité de coloriage de fleurs.

Colorier des fleurs l’a amenée à marcher dehors pour trouver des fleurs et les regarder; c’était donc une occasion d’accroître la participation, l’activité et l’interaction, ainsi qu’une occasion de passer plus de temps à l’extérieur dans un environnement plus naturel. Cela est lié au projet de recherche majeur de 1984 de Roger Ulrich, qui démontrait que les patients se remettaient plus vite d’une opération s’il pouvait voir la nature de leur fenêtre.

Voici certains ouvrages accessibles [Anglais seulement] qui m’ont incitée à approfondir ce sujet :

René : Des études démontrent les bienfaits de la nature pour la santé physique et mentale. Une revue de littérature de l’Institut national de santé publique du Québec souligne notamment que plus les espaces verts sont à proximité du domicile, plus les effets positifs sont perceptibles. Il est donc primordial de penser nos parcs et nos jardins comme porte d’entrée pour se connecter à la nature et d’en accroître l’accessibilité, notamment par le transport en commun.

Harry : Beaucoup de données empiriques viennent appuyer les bienfaits de la nature sur la santé. Il existe un phénomène appelé « bain de forêt » que l’on a mesuré pour produire une hausse des niveaux de sérotonine chez les gens quand ils font l’expérience de la nature. L’esprit et le corps répondent positivement à la nature.

Qui profite le plus des jardins et des espaces verts au centre-ville?

René : Les citoyens de proximité sont ceux qui bénéficient le plus des jardins et des espaces verts d’un centre-ville. Soixante pour cent des visiteurs du jardin botanique proviennent de la grande communauté métropolitaine de Montréal. Si les citoyens s’approprient les espaces qui les entourent, c’est qu’ils ressentent le besoin de se connecter à la nature et que leurs milieux sont trop minéralisés.

Harry : Des gens de tous âges peuvent profiter des jardins et des espaces verts au centre-ville. Les enfants ont besoin de jouer dans la nature. Les milléniaux s’intéressent beaucoup à l’alimentation et à la provenance des aliments. Beaucoup de jeunes gens viennent à nos potagers de démonstration et s’inscrivent à des ateliers. Les gens plus âgés aiment que la nature puisse les ramener à leur jeunesse. Beaucoup d’entre nous vivent en ville, mais ont des racines en campagne. Cela nous ramène à un endroit calme dans notre vie.

Alice : Je dirais que la beauté des jardins et des espaces verts réside dans le fait qu’ils peuvent avoir un effet égalisateur au sein des populations urbaines, pourvu qu’ils soient accessibles au public. Par exemple, les jardins communautaires donnent un meilleur accès aux fruits et légumes à ceux qui vivent dans la pauvreté.

Pourquoi le public devrait-il se soucier des jardins botaniques? Comment la CCN/le gouvernement peuvent-ils travailler plus étroitement avec des organisations comme la vôtre?

Alice : Il y a un intérêt à accroître l’espace réservé aux jardins et les activités entourant les jardins. Cela comprend la création de jardinières en milieux urbains. Je crois que la CCN peut jouer un important rôle de partenaire dans l’appui à l’aménagement de jardins, qu’ils soient botaniques ou communautaires.

René : D’abord, parce que c’est beau et que la beauté est un élément qui décourage le vandalisme. Mettez, par exemple, de beaux parcs et de beaux aménagements dans une collectivité, vous verrez le vandalisme diminuer. Ensuite, parce qu’il s’accumule dans les jardins botaniques une tonne de connaissances importantes. L’avantage, c’est que l’apprentissage que le visiteur y fait n’est pas forcé. Le choix de se balader, de relaxer ou de visiter une exposition où il fera plus d’apprentissages lui appartient.

Harry : Les jardins des grandes villes attirent plus d’un million de visiteurs par année. C’est une expérience de la nature qui les élève au-dessus de leur vie quotidienne. La plupart d’entre nous vivent dans un degré d’artificialité élevé chez eux, au travail et dans les infrastructures qui nous entourent. Les jardins nous aident à revenir à quelque chose de fondamental et pur.

Les gouvernements protègent la nature pour des usages récréatifs et touristiques, mais ils doivent commencer à la considérer comme un élément essentiel à la santé humaine et à la durabilité. De plus en plus, les gens sont séparés de la nature et nous devons les aider à mieux comprendre leur place dans un monde naturel fragile.

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