Lettre ouverte

Le 14 février 2025

Cette semaine, peu après le 60e anniversaire de l’unifolié, la patinoire du canal Rideau accueillera sa millionième visite depuis son ouverture le 11 janvier. Ce pourrait être un parent en patins avec son enfant endormi confortablement installé dans une poussette; ou des gens venus assister à une conférence et qui décident de louer des patins pour découvrir la patinoire; ou encore une personne ayant déjà été adepte de patin et qui choisit de marcher le long de la piste, juste pour prendre l’air et se mêler à la foule.

Qui que ce soit, cette personne participera non seulement à une saison incroyable et joyeuse sur la plus grande patinoire du monde, mais aussi à un rituel canadien bien connu qui définit notre capitale hivernale et, d’une certaine manière, le pays dans son ensemble, depuis son ouverture il y a 55 ans.

Si d’autres, ailleurs dans le monde, préfèrent rester chez eux par une journée ensoleillée et fraîche de milieu de semaine alors que le mercure affiche moins 16 °C, 15 000 personnes en ont décidé autrement la semaine dernière en enfilant leurs patins. Ces adeptes sont de tous âges, de toutes situations sociales, de toutes couleurs et de toutes croyances (mais se distinguent difficilement puisque bien emmitouflés). Ce qui les différencie principalement, c’est leur agilité sur la glace. Il y a les gens gracieux, ceux qui virevoltent, ceux qui foncent, ceux qui chancellent et ceux qui ne sont pas pressés. Mais personne ne juge; tout le monde est trop occupé à profiter de ce couloir continu de glace et de neige, loin des rues boueuses, des véhicules impatients et de la frénésie urbaine.

Cette année, l’occasion semble particulièrement spéciale. En effet, après avoir connu une saison 2023 inexistante et une saison 2024 courte et interrompue, les gens croisés sur la glace semblent non seulement ravis, mais aussi soulagés et reconnaissants. Les saisons comme celle-ci seront probablement l’exception plutôt que la règle, alors que la planète se réchauffe et que les températures fluctuent. C’est pourquoi l’équipe de la Commission de la capitale nationale prend trois mesures. Tout d’abord, nous avons fait appel à des spécialistes de l’Université Carleton pour comprendre en quoi notre gestion de la patinoire peut être adaptée aux réalités climatiques. Ensuite, nous innovons en aménageant un sentier de marche officiel le long de la glace, à la fois pour permettre aux gens qui ne font pas de patin de découvrir la beauté du canal et pour permettre son accès même lorsque la qualité de la surface de la glace est moins bonne. Enfin, nous entamons l’étude de faisabilité d’options à long terme (certes complexes et coûteuses), comme la pose de canalisations et d’autres technologies.

Nous agissons ainsi parce que nous voulons conserver cet atout incroyable qui distingue la capitale du Canada de toutes les autres capitales du monde. La patinoire du canal Rideau n’a pas d’égale. En effet, elle doit d’abord se trouver dans une ville hivernale et dans un pays hivernal où les parents inscrivent en grand nombre leurs enfants en bas âge à des cours de patinage. Elle a aussi besoin d’une population qui considère qu’une journée ensoleillée marquée par des températures inférieures à -10 °C est parfaite, et non intimidante. Elle doit reposer sur une culture fondée sur la camaraderie, la solidarité, la sécurité et le sentiment d’appartenance qui pousse plus de 50 000 personnes à choisir de passer un samedi à patiner ensemble, convaincues qu’une pâte plate, frite et trempée dans le sucre d’érable est un mets d’une finesse inégalée.

Alors que notre identité est remise en question, que notre souveraineté est contestée et que notre histoire est dépréciée, j’aimerais croire que la patinoire du canal Rideau est un symbole important et durable des valeurs canadiennes que nous partageons. Dans un monde de plus en plus polarisé, le simple fait de se rassembler librement dans un lieu public accessible par une froide journée d’hiver devient à la fois un geste de résistance unique visant à affirmer notre identité et un véritable rituel canadien qui célèbre l’essence même de notre unité.

Tobi Nussbaum, premier dirigeant, Commission de la capitale nationale

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