Cassandra Demers

Stratège de contenu

Panneau de ralentissement avec un pictogramme de tortue, sur une route déserte du parc de la Gatineau.

Le parc de la Gatineau est le parc de conservation de la capitale nationale, un havre de paix pour la faune et les adeptes de plein air. Le parc reçoit environ 2,6 millions de visites chaque année, ce qui exerce une forte pression sur la faune et les écosystèmes.

La CCN a adopté un horaire réduit pendant lequel les véhicules motorisés privés peuvent accéder à trois promenades du parc de la Gatineau : les promenades Champlain, Fortune et de la Gatineau. Cela vise à protéger la faune et à permettre aux gens de profiter pleinement de ce que le parc a à offrir dans un environnement sans voiture. Bien que cette initiative soit très bien accueillie, une question demeure : dans quelle mesure est-elle efficace pour protéger la faune?

C’est ce que Lilli Gaston, étudiante en maîtrise à l’Université Carleton, est déterminée à découvrir. Je l’ai rencontrée pour discuter du projet de recherche qu’elle mène actuellement.

Le parc de la Gatineau, un cadre idéal pour l’étude

Q : Lilli, peux-tu nous expliquer le contexte de cette étude ainsi que ce qui l’a inspirée?

R : Bien sûr! Des études ont montré que les routes peuvent réduire la connectivité des habitats, augmenter la mortalité animale et même nuire à la qualité des habitats en raison du bruit de la circulation, de la pollution et d’autres facteurs. Elles sont particulièrement dangereuses dans les interfaces entre les zones urbaines et les zones sauvages, où les routes traversent des territoires présentant de fortes densités d’animaux [source en anglais].

Il existe des solutions, comme les passages pour animaux, les clôtures et les limitations de vitesse, mais elles sont coûteuses et pas toujours efficaces. Les fermetures périodiques de routes, comme celles du parc de la Gatineau, offrent une solution peu coûteuse qui tient également compte des besoins en loisirs et en accès à la nature du public. L’objectif de l’étude est de déterminer si cette solution est efficace pour la protection de la faune.

Rachel Buxton (à gauche) et Lilli Gaston (à droite)

Rachel Buxton, ma superviseure, s’est engagée à faire bouger les choses en matière de conservation de la biodiversité et de justice environnementale. Elle a fondé Biodiversity Conservation Solutions, un groupe de recherche axé sur la recherche de solutions qui contribuent à un changement vers un avenir durable et équitable, pour le bien des humains et de la nature.

Les fermetures périodiques des routes du parc de la Gatineau ont favorisé la création d’un cadre naturel idéal pour une étude comme la nôtre. Mme Buxton a proposé le projet à la CCN, qui a décidé de le financer dans le cadre de son programme annuel de soutien à la recherche scientifique. Les Amis du parc de la Gatineau ont également choisi de soutenir ce projet. Comme les solutions de conservation me tiennent à cœur, je savais que je voulais y participer aussi. Aujourd’hui, nous y sommes.

Recueillir des données

Q : Comment mesurerez-vous l’efficacité du projet?

R : Nous étudierons la diversité des oiseaux et des mammifères ainsi que la mortalité directe de la faune. Pour cette étude, nous avons sélectionné trois types de routes :

  • fermées périodiquement (p. ex. : promenade de la Gatineau, promenade Champlain et promenade du Lac-Fortune;
  • fermées de façon permanente (p. ex. : promenade de la Gatineau, entre les stationnements P8 et P9, tronçon aussi appelé « boucle Nord »);
  • ouvertes de façon permanente (p. ex. routes municipales).
Lilli et sa superviseure, Rachel Buxton, installent des appareils d’enregistrement acoustique sur un arbre du parc de la Gatineau.

De mai à août 2023, nous avons recueilli des données à proximité de chaque type de route et dans les zones forestières adjacentes.

Pour évaluer la diversité des oiseaux et des mammifères, nous avons utilisé des techniques de suivi passives et non invasives :

  • des appareils d’enregistrement acoustique pour les oiseaux;
  • des caméras de surveillance de la faune activées par le mouvement pour les mammifères.

Avant de venir à Carleton, j’avais déjà travaillé avec ces deux techniques et il m’a semblé logique de les réutiliser dans le cadre de l’étude. Nous avons installé les appareils à 100 m ou 500 m de toute route, afin de déterminer si la distance par rapport aux routes est un facteur déterminant.

Pour mesurer la mortalité directe de la faune due aux collisions avec des véhicules, nous avons parcouru les routes à l’aide d’un vélo à assistance électrique. Nous sommes sorties deux fois par semaine pendant trois mois en 2023 afin de compter et d’identifier les mortalités sur les routes.

Lilli à vélo lors d’une sortie dans le cadre de son étude sur la route.

Q : Que recherchez-vous exactement?

R : Dans le cas des oiseaux, nous mesurons la richesse et l’abondance des espèces, la composition générale de la communauté et la présence d’espèces représentatives rencontrées couramment dans le parc de la Gatineau. Plus précisément, nous nous intéressons aux oiseaux qui se reproduisent dans la forêt et qui sont plus ou moins sensibles aux perturbations humaines, comme la paruline couronnée, le pioui de l’Est et la grive des bois.

Le pioui de l’Est (espèce préoccupante) et la grive des bois (espèce menacée) sont inscrites sur la liste de la Loi sur les espèces en péril du gouvernement fédéral. La paruline couronnée est classée comme étant peu préoccupante selon l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature.

Extrait de chants d’oiseaux enregistrés.

En ce qui concerne les mammifères, nous mesurons la richesse des espèces et la présence d’espèces représentatives présentes habituellement dans le parc de la Gatineau. Plus précisément, nous recherchons des espèces sensibles aux routes et à la circulation, comme l’ours noir et le pékan, ainsi que des espèces plus tolérantes aux routes et à la circulation, comme le cerf de Virginie, le coyote de l’Est et le raton laveur.

En ce qui concerne la mortalité directe de la faune, nous mesurons la quantité d’animaux tués sur les routes et les taux de mortalité pour toutes les espèces et tous les groupes taxonomiques.

Résultats préliminaires

Q : As-tu des résultats préliminaires à présenter?

R : Voici les résultats préliminaires de notre première saison sur le terrain. Je précise que ces résultats n’ont pas encore été analysés.

Sur la base des enregistrements acoustiques écoutés jusqu’à présent, nous avons identifié 43 espèces d’oiseaux différentes. Nous avons identifié la paruline couronnée dans 90 % des enregistrements, le pioui de l’Est dans 65 % des enregistrements et la grive des bois dans 7 % des enregistrements.

Cependant, il ne s’agit que d’un petit échantillon de nos enregistrements. Nous sommes encore en train de transcrire les données avec l’aide de bénévoles des Amis du parc de la Gatineau, alors d’autres résultats restent à venir!

Il y a tellement de données à examiner, mais le recours à BirdNET est très prometteur. Cet outil d’intelligence artificielle peut nous aider à identifier les espèces de façon automatisée, avec un seuil de confiance allant jusqu’à 100 % de certitude. Il nous aidera vraiment à traiter l’énorme quantité de données acoustiques que nous avons collectées.


Les caméras destinées au suivi de la faune ont capté un total de 21 espèces uniques, soit 14 espèces de mammifères et 7 espèces d’oiseaux, sur tous les types de routes. L’espèce la plus fréquemment détectée est le raton laveur, suivi du cerf de Virginie, de l’ours noir, du dindon sauvage, de l’écureuil gris, du coyote de l’Est, du renard roux et du pékan. Nous avons même vu un orignal, ce qui est rare dans le parc de la Gatineau!


Sur 45 km de routes étudiées, en trois mois, nous avons trouvé 328 animaux tués sur la route, provenant de 24 espèces différentes. Dans le parc de la Gatineau, les amphibiens sont de loin les victimes les plus fréquentes des accidents de la route, suivis des reptiles, des mammifères et des oiseaux. Les amphibiens et les reptiles sont plus vulnérables sur les routes parce qu’ils :

  • n’ont pas de comportement d’évitement;
  • se déplacent lentement lorsqu’ils traversent la route;
  • effectuent des migrations saisonnières (par exemple, les amphibiens qui traversent les routes en grand nombre pour atteindre les étangs de reproduction, les tortues qui se rendent à leurs sites de nidification, les serpents qui se thermorégulent sur la surface de la route).

Prochaines étapes

Q : Quelles sont les prochaines étapes?

R : Notre première année de collecte de données s’est achevée à l’été 2023. Nous nous préparerons à nouveau en mai 2024 pour notre deuxième et dernière année de collecte de données, aux mêmes endroits et avec la même installation. Nous devrions avoir un ensemble complet de données à examiner d’ici l’automne 2024, puis nous nous plongerons dans l’analyse.

À la fin des activités de collecte de données, nous en aurons tellement recueilli qu’il sera difficile de toutes les intégrer dans mon mémoire de maîtrise. Je suis très reconnaissante de pouvoir compter sur une nouvelle technicienne de terrain, Laura, en 2024, une étudiante de premier cycle qui prépare sa thèse au laboratoire où travaille Rachel Buxton. Laura se penchera plus particulièrement sur les données relatives aux animaux tués sur la route, ce qui nous permettra d’explorer en profondeur tous nos ensembles de données.

J’espère que l’étude pourra contribuer aux efforts de la CCN, qui visent à maintenir des populations d’oiseaux et de mammifères en bonne santé et riches en biodiversité, et qu’elle démontrera la façon dont les humains et les animaux sauvages peuvent cohabiter sur le territoire. Je me sens très chanceuse de participer à cet important projet et j’ai hâte d’entamer la prochaine saison d’étude sur le terrain!


La diversité des écosystèmes du parc de la Gatineau et des terrains urbains de la CCN en fait des milieux propices à la recherche, d’autant plus qu’ils sont situés à proximité des établissements scientifiques de la capitale.

Chaque année, la CCN accorde une quarantaine de permis de recherche scientifique dans le parc de la Gatineau et sur les terrains urbains du Québec. Les résultats de ces études aident nos biologistes et nos gestionnaires à planifier la protection à court et à long terme des espèces, des habitats et des écosystèmes.

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