Monica Maika

Archéologue

Image de drone en direction de l’intersection de la rue Albert et de l’avenue City Centre, montrant l’excavation en cours; notez la différence d’élévation entre les excavations supérieures et inférieures des fondations de l’écurie.

Billet mis à jour en janvier 2024

Les plaines LeBreton ont une riche et longue histoire. Bien qu’elles aient subi le Grand Feu de Hull en 1900, on y trouve encore des traces physiques de l’époque qui a précédé l’incendie.

Dans le présent billet, nous allons explorer le riche patrimoine culturel des plaines LeBreton et examiner de plus près les récentes découvertes archéologiques.

Pourquoi faire des fouilles aux plaines LeBreton?

À la CCN, nous identifions, examinons et consignons les ressources chaque fois qu’un site archéologique connu ou potentiel situé sur des terrains fédéraux de la région est touché par des travaux d’aménagement.

Les plaines LeBreton répondent à ces critères : elles ont une riche histoire et deviendront bientôt une destination animée à usage mixte.

La présence des Autochtones dans la région et dans le secteur des plaines remonte à très loin. Les lieux ont certainement été utilisés par des communautés autochtones au fil du temps, mais nos fouilles archéologiques n’ont pas encore permis d’en recueillir la preuve. Ces fouilles ont toutefois dévoilé des traces de la colonisation par les Européens et de leur rôle central dans le développement économique et industriel d’Ottawa.

Réaliser des fouilles archéologiques ne se limite pas à déterrer des objets. Celles-ci permettent également de reconstituer l’histoire des personnes qui ont occupé et utilisé les mêmes terres que nous connaissons aujourd’hui. Ce que nous trouvons peut nous aider à mieux comprendre le passé et les changements qui se sont produits au fil du temps.

Lors des fouilles archéologiques menées en 2022 et 2023 aux plaines LeBreton, nous nous sommes concentrés sur deux secteurs d’intérêt :

  • l’ancien emplacement de la gare de manutention du chemin de fer Saint-Laurent et Ottawa;
  • la maison Malloch. 

La gare de manutention du chemin de fer Saint-Laurent et Ottawa

Cour en pavés avec un drain découvert entre la résidence Malloch et l’écurie.

À la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, le chemin de fer Saint-Laurent et Ottawa a joué un rôle essentiel dans l’industrie ferroviaire du Canada. Le chemin de fer reliait Ottawa à Prescott, en passant par les plaines LeBreton. La gare de manutention, construite à la fin des années 1800, a été un centre d’entreposage et de transfert de marchandises jusqu’au début des années 1900.

Dans les années 1960, répondant à une vision énoncée dans le plan Gréber de 1950, la CCN a défriché une grande partie des plaines LeBreton. L’expropriation de la population des lieux a entraîné des conséquences durables sur les gens et les entreprises. Il est essentiel de reconnaître ces événements comme faisant partie du passé des plaines LeBreton.

Dans le cadre du défrichage, une grande partie des voies ferrées et des infrastructures ferroviaires des plaines ont été enlevées ou recouvertes de terre. Néanmoins, nous avons décidé de creuser pour trouver des éléments qui pourraient avoir été laissés sur place. 

La gare de train après l’incendie de 1900.
Les ravages causés par le Grand Feu dans les installations ferroviaires en direction nord, juste à l’ouest de la rue Broad. Les voies du chemin de fer Canada Atlantique sont visibles au premier plan, l’entrepôt E.B. Eddy se trouve à mi-distance et la gare temporaire du Canadien Pacifique est visible à l’arrière-plan. Source : Bibliothèque et Archives Canada, PA-135438

Malheureusement, il ne reste de la gare que quelques poteaux de bois et des morceaux de traverses de chemin de fer. Il est possible que le bâtiment ait été démantelé et déplacé au début des années 1880, alors qu’il ne servait plus. Il est également possible qu’il ait brûlé lors du Grand Feu de 1900, un événement dévastateur qui a détruit une grande partie d’Ottawa et de Hull (aujourd’hui Gatineau). En effet, l’incendie a pris des proportions incontrôlables et a brûlé la majeure partie du centre-ville de Hull et la zone industrielle des plaines LeBreton; il a même atteint le lac Dows.

La maison Malloch

Une collection de sept bouteilles finies à la main et soufflées dans des moules, de couleurs (vert foncé, ambre, transparent) et de styles différents.
Échantillon de bouteilles trouvées pendant les fouilles. 

Edward Malloch était un avocat et un politicien qui vivait sur les plaines LeBreton dans les années 1850. Sa maison, construite avant 1861, a servi de brasserie à la fin des années 1800. Nous avons trouvé des bouteilles d’alcool de toutes sortes lors des fouilles. La grande variété de bouteilles retrouvées indique que la brasserie travaillait avec différents fournisseurs et utilisait des bouteilles recyclées.

Artefacts découverts lors de l’excavation, notamment des bouteilles en verre, un encrier en grès, des céramiques décorées et un couvercle en céramique « Miller’s Prepared Glycerine » datant de la fin des années 1800.

Des vestiges montrent également que l’endroit a été utilisé plus tard pour empiler du bois dans la gare de triage du chemin de fer Canada Atlantique de J.R. Booth. Malheureusement, le Grand Feu a détruit la plus grande partie du bâtiment, ne laissant que des traces de son existence.

Ces traces comprennent les murs de fondation en pierre calcaire de la résidence originale de Malloch. Les murs de fondation et la profondeur des matériaux de démolition à l’intérieur de la structure nous indiquent que la résidence était dotée soit d’un sous-sol soit d’une grande chambre froide.

Nous avons également trouvé des vestiges de l’écurie en pierre de la propriété de Malloch, construite avant 1861. Ces vestiges comprenaient un poteau de soutien intérieur. Cette découverte laisse supposer que l’extrémité nord du bâtiment pouvait avoir une hauteur d’un étage et demi.

La fouille du site de la résidence Malloch nous a permis d’obtenir davantage de détails sur l’histoire et l’utilisation du bâtiment, ainsi que sur le passé des plaines LeBreton.

Des fouilles additionnelles, menées à l’automne 2023, ont permis de trouver des murs de la résidence et de l’écurie, intacts, et une cour pavée entre les deux bâtiments. L’intérieur de l’un des murs de la maison était recouvert de briques et plusieurs ouvertures de fenêtres avaient été maçonnées. Nous avons même pu déterminer l’orientation de certaines lames du parquet d’origine. De plus, des morceaux de centaines de bouteilles en verre ont été retrouvés dans la partie supérieure de l’écurie et dans l’angle nord-est de la résidence Malloch. La différence d’élévation entre les zones d’excavation supérieure et inférieure de l’écurie confirme qu’elle devait compter deux étages, et qu’une annexe avait été ajoutée au rez-de-chaussée.

Avant que les fondations ne soient à nouveau recouvertes, notre équipe de géomatique a réalisé un balayage en 3D afin de préserver nos connaissances des lieux et de créer du matériel de qualité muséale pour de futures présentations et expositions.

Un héritage qui perdure

Le projet nous a permis de mieux comprendre le patrimoine résidentiel et industriel des plaines LeBreton ainsi que la vie des personnes qui ont vécu et travaillé dans le quartier au cours de la seconde moitié du 19e siècle. 

Au fur et à mesure que l’on aménage le secteur, il est important de se souvenir de son histoire et de lui rendre hommage. Nous pourrions incorporer et exposer des artefacts dans le cadre du réaménagement des plaines LeBreton, ce qui s’inscrirait dans la stratégie sur la culture et le patrimoine du plan directeur conceptuel

En établissant un lien entre le passé et le présent grâce à l’archéologie, nous pouvons faire en sorte que l’héritage des plaines LeBreton perdure. 

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