Jane Wakiwaka

Responsable du développement durable, The Crown Estate

Dernière mise à jour : mercredi 15 mars 2023,

Regarder vers le haut devient un élément essentiel du langage propre au design. Le 15 février 2018, la conférence du Labo d’urbanisme de la CCN a porté sur les différents aspects de l’aménagement du ciel.

Le labo d'urbanisme sur l'aménagement du ciel

Toits verts, protections des vues. Design tenant compte des oiseaux. Éclairage de l'architecture.

Trois spécialistes du domaine ont présenté leur perspective sur la façon dont l’aménagement du ciel façonne nos villes.

Des infrastructures vertes

À titre de responsable du développement durable au sein de The Crown Estate*, Jane Wakiwaka est chargée d’élaborer des stratégies pour la durabilité des nouveaux lotissements et des immeubles existants du portefeuille du centre de Londres de l’organisme. L’approche intégrée de ce dernier en matière de durabilité a ouvert la voie à l’élaboration d’un plan directeur écologique pour Londres (London ecological master plan*), qui vise à créer plus d’un hectare de nouveaux espaces verts sur ses propriétés de la ville d’ici 2030.

Wild West End

Au cours des dernières années, des espèces communes, comme des oiseaux, des abeilles et des chauves-souris, ont connu un déclin dans tout le R.-U. Afin de remédier à la situation, on a priorisé les efforts visant à protéger et à favoriser la faune de Londres. Au départ, The Crown Estate souhaitait créer un corridor vert reliant Regent’s Park et St James’s Park en assurant la connectivité des espaces verts entre ses immeubles commerciaux du centre de Londres, mais on a constaté qu’on pouvait faire mieux en établissant un réseau d’espaces verts grâce à des partenariats.

En 2015, The Crown Estate s’est associé* avec d’autres propriétaires fonciers du quartier West End (Grosvenor Britain & Ireland, Shaftesbury, The Portman Estate et the Howard de Walden Estate), Arup (en tant que partenaire technique), ainsi que le London Wildlife Trust et la Greater London Authority (en tant que partenaires stratégiques) pour lancer le projet Wild West End*. Celui-ci a permis d’établir des parcelles de verdure au cœur de l’agitation urbaine.

Le désir commun d’améliorer de manière stratégique la biodiversité et de sensibiliser les gens à l’importance des infrastructures vertes a mobilisé les partenaires. Selon Mme Wakiwaka, les questions comme le manque de biodiversité dans le quartier London West End ont une incidence sur les partenaires qui participent au projet. En travaillant en partenariat, nous pouvons collectivement accroître la biodiversité pour résoudre ces questions et créer un lieu invitant pour les gens. En mettant l’accent sur la biodiversité et les avantages qu’elle procure aux visiteurs du secteur et aux personnes qui y vivent ou y travaillent, comme la santé et le bien-être, Wild West End est un très bon exemple de façon d’y parvenir.

Des jardins sur les toits

Les possibilités limitées de créer des espaces verts au niveau du sol dans le centre de Londres ont poussé Mme Wakiwaka et son équipe à faire preuve de créativité. Un ensemble d’infrastructures vertes au sol et sur les toits leur permettent d’atteindre leur objectif.

Le toit biodiversifié du 7 Air Street fournit 150 mètres carrés de nouvel habitat faunique. Il a été conçu pour favoriser la présence du plus grand nombre d’espèces possible toute l’année.

On a ajouté des piles de bûches afin de créer des habitats pour des espèces essentielles à la pollinisation, comme les araignées, les abeilles et les guêpes. On a aussi installé des nichoirs pour favoriser le retour du rougequeue noir et des panneaux solaires pour créer divers microclimats et ainsi accroître encore davantage la biodiversité.

Les terrasses aménagées au 10 New Burlington Street contribuent à accroître la biodiversité et offrent des espaces verts accessibles faisant en sorte que les gens se sentent plus près de la nature toute la journée. La présence d’arbres et d’un mur végétal crée un espace naturel où les occupants peuvent travailler et se détendre. Les plantes à fleurs attirent les papillons et les abeilles le jour et les phalènes et les chauves‑souris la nuit.

Les projets de toit de Wild West End descendent dans la rue tous les dimanches de juillet lors des Summer Streets organisées par The Crown Estate, alors que Regent Street est fermée à la circulation. Pour l’occasion, boutiques éphémères, spectacles musicaux et stands alimentaires envahissent la rue. En 2017, plus de 1,8 million de personnes ont participé à l’évènement. The Crown Estate y présente aussi les abeilles en résidence, et des apiculteurs sont disponibles sur place pour informer le public sur la faune et la biodiversité dans Regent Street. De plus, les visiteurs sont invités à fabriquer leur propre « hôtel à insectes » et on leur offre des plantes et des graines à rapporter à la maison.

Wild West End a pour objectifs :

  • d’améliorer le bien-être des résidants, des travailleurs et des touristes en améliorant les liens vers les espaces verts et la nature;
  • de contribuer à l’amélioration de la qualité de l’air locale;
  • d’améliorer la biodiversité et la connectivité écologique en créant de nouveaux habitats.

Finalement, The Crown Estate et ses partenaires espèrent que le projet inspirera d’autres organismes à mettre en œuvre des projets semblables partout dans le monde.

Une vue à vol d’oiseau

Les oiseaux jouent un rôle important dans notre environnement. Ils consomment une énorme quantité d’insectes et contrôlent les populations de rongeurs, réduisant ainsi les dommages aux récoltes et aux forêts. Ils jouent aussi un rôle essentiel dans la régénération des habitats en pollinisant les plantes et en dispersant les graines.

Christine Sheppard de l’American Bird Conservancy* travaille avec les oiseaux depuis de nombreuses années. Récemment, elle a constaté qu’on s’intéresse davantage à la façon dont les oiseaux se déplacent d’un endroit à un autre. Elle affirme que les oiseaux passent une grande partie de leur existence dans le ciel, ce qui explique pourquoi il est si important d’aménager le ciel tout comme nous aménageons nos parcs. Elle ajoute que l’aménagement du ciel peut aider à protéger les oiseaux en réduisant les dangers comme la pollution lumineuse et les obstacles avec lesquels ils peuvent entrer en collision.

Pollution lumineuse

L’éclairage urbain attire les oiseaux dans les zones urbaines, un facteur important de mortalité de l’avifaune. De nombreuses villes ont adopté les programmes Lights Out* pour mieux sensibiliser le public au problème que la pollution lumineuse constitue pour les oiseaux. Toutefois, ces programmes pourraient s’avérer insuffisants. Selon Mme Sheppard, réduire la lumière provenant de quelques immeubles en hauteur n’entraîne pas des effets réels, car même l’éclairage des rues peut attirer les oiseaux et les mettre en danger.

Plan lumière de la capitale

La CCN priorise la protection des habitats essentiels en réduisant le plus possible l'incidence de la pollution lumineuse dans les zones écologiquement sensibles.

Mme Sheppard ajoute que les villes devraient prendre en considération le bien-être des oiseaux lorsqu’elles conçoivent de nouvelles structures. Le Mémorial du 11-Septembre* est un exemple qui démontre comment une structure peut être nuisible aux oiseaux si l’on n’en tient pas compte durant le processus de planification. On sait qu’un faisceau de lumière intense dans une zone sombre peut piéger les oiseaux, les amenant à virevolter en cercle dans la lumière. Lorsque le Mémorial du 11‑Septembre a été proposé, des groupes locaux de protection des oiseaux ont pris part aux négociations et surveillent maintenant la lumière lorsqu’on illumine le mémorial une journée par année. Si les oiseaux se retrouvent en grand nombre dans le faisceau, des bénévoles font un appel, et on éteint brièvement la lumière. Ce type de mesure a inspiré la création des programmes Lights Out, mais aujourd’hui, l’« effet phare » est moins courant parce que la pollution lumineuse est très répandue.

Selon Mme Sheppard, l’aspect positif de cet exemple est que nous disposons maintenant de données sur les effets de la lumière artificielle dans les zones où la pollution lumineuse est constante.

Collisions d’oiseaux

Les risques de collision* constituent un des plus grands dangers pour les oiseaux dans les zones urbaines. Si un oiseau heurte la fenêtre de votre bureau, vous penserez sûrement que cela se produit rarement. Malheureusement, ce n’est pas le cas. En Amérique du Nord, jusqu’à un milliard d’oiseaux meurent chaque année après être entrés en collision avec une fenêtre vitrée ou un mur.

La bonne nouvelle, c’est qu’on applique aux immeubles des stratégies de conception sécuritaire pour les oiseaux, et que celles-ci sont de plus en plus populaires. Ces stratégies* sont regroupées en trois catégories : 

  1. Utiliser peu de verre

2. Placer les vitres derrière un type quelconque d’écran

3. Utiliser du verre doté de propriétés qui réduisent les collisions

Mme Sheppard affirme que l’édifice du New York Times représente un excellent exemple de ce que signifie « sécuritaire pour les oiseaux ». À l’origine, l’édifice a été conçu dans l’intention d’économiser l’énergie. Toutefois, la conception écologique remplit une autre fonction : elle empêche les oiseaux d’entrer en collision avec l’édifice.

  • La façade de l’édifice est recouverte de tubes de céramique horizontaux qui sont suffisamment espacés pour permettre aux gens de voir par la fenêtre, mais qui réduisent la surface de verre exposée.
  • Sur l’un des côtés, une membrane de céramique agit comme un écran devant les vitres de façon à contrôler la quantité de chaleur et de lumière qui entre par la fenêtre durant l’été. Étant donné que les motifs sont assez gros pour que les oiseaux puissent les voir, ceux-ci contournent l’édifice.

Vous pouvez vous aussi jouer un rôle dans la protection des oiseaux. Voici quelques moyens de rendre votre maison plus sécuritaire* pour les oiseaux.

Voir les étoiles

Rémi Boucher explique qu’aménager le ciel permet aux gens d’accéder au ciel étoilé sans compromettre leur sécurité. La Réserve internationale de ciel étoilé du Mont-Mégantic est un exemple renommé de cet équilibre. Fondée en septembre 2007, la réserve s’étend sur plus de 5 275 kilomètres carrés de territoire, comprenant le parc national et l’observatoire du Mont-Mégantic, la ville de Sherbrooke et d’autres municipalités.

En réduisant la pollution lumineuse, la réserve permet aux gens des villes environnantes de profiter de l’expérience du ciel étoilé. Par exemple, les Montréalais ne peuvent voir que 100 étoiles, au plus, dans le ciel, alors que plus de 3 000 étoiles sont visibles de la Réserve internationale de ciel étoilé du Mont‑Mégantic.

Conséquences de la pollution lumineuse Selon M. Boucher, la pollution lumineuse est un ensemble de perturbations causées par de l’éclairage artificiel nocturne mal conçu ou mal utilisé.

Une des conséquences les plus évidentes de la pollution lumineuse est la visibilité réduite du ciel étoilé. Le voilement des étoiles se produit lorsqu’il y a trop de lumière artificiellement émise vers le ciel. C’est pourquoi il faut s’éloigner de quelques centaines de kilomètres des centres urbains pour voir la Voie lactée. 

La pollution lumineuse entraîne aussi des conséquences sur notre environnement, car de nombreuses espèces dépendent des cycles de la lumière naturelle pour chasser, se nourrir et dormir.

  • Les chauves-souris quittent les sites de nidification lorsque ceux-ci deviennent trop éclairés.
  • Les tortues qui viennent d’éclore utilisent la lumière de la lune et des étoiles qui se reflète sur l’eau pour s’orienter vers la mer, mais la lumière artificielle qui éclaire les rives confond les jeunes tortues et les rend vulnérables aux prédateurs.
  • Les insectes et les phalènes sont attirés dans la lumière et virevoltent autour des ampoules toute la nuit, puis meurent d’épuisement ou de chaleur, ce qui a une incidence sur la chaîne alimentaire.
  • La lumière excessive dans les grandes zones urbaines bouleverse le sens de l’orientation des oiseaux migrateurs et augmente le nombre de collisions avec les immeubles.

La pollution lumineuse affecte aussi la santé humaine du fait que la mélatonine, une hormone essentielle, ne peut être sécrétée que dans l’obscurité pendant le sommeil. S’il y a trop de lumière, plus particulièrement de lumière bleue, pendant que nous dormons, notre horloge biologique se dérègle, ce qui peut entraîner des problèmes de santé au fil du temps. Selon une étude publiée par l’American Medical Association*, même une faible lumière à DEL dans notre environnement peut faire cesser la production de mélatonine.

Plusieurs villes ayant adopté récemment les lampadaires à DEL pour l’éclairage des rues ont reçu tellement de plaintes, qu’elles ont dû remplacer ces nouveaux lampadaires.

Solutions

M. Boucher indique qu’il faut respecter quatre principes d’éclairage pour réduire les effets négatifs de la pollution lumineuse. Les voici :

  1. Orienter la lumière vers la zone ou l’immeuble à éclairer.
  2. Choisir une lumière de couleur chaude plutôt que la lumière bleue.
  3. Réduire l’intensité lumineuse.
  4. Limiter le temps et la durée d’utilisation au strict nécessaire.

Selon M. Boucher, le parc High Line de New York* est un bon exemple de projet ayant appliqué avec succès la plupart de ces principes. Le système d’éclairage du parc fournit juste assez de lumière pour assurer la sécurité des piétons tout en permettant d’admirer le paysage nocturne depuis le parc.

On a choisi d’utiliser un éclairage aux teintes chaudes et de dissimuler les luminaires, ce qui procure un effet lumineux subtil agréable. L’éclairage est orienté de façon à ce qu’il ne dépasse pas la hauteur de la taille, ce qui réduit l’éblouissement.

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