Catherine Bouchard

Agente de programme, Ressources patrimoniales

Dernière mise à jour : vendredi 2 décembre 2022,

J’ai toujours trouvé l’histoire fascinante. Lorsque je me rends à mes destinations favorites, dans la région de la capitale nationale du Canada, je me plais à m’imaginer faire un retour dans le temps de 50, 100 ou 1 000 ans. J’essaie de visualiser de quoi avaient l’air les lieux. Il y a quelques années, je me suis prêtée à ce jeu avec ma famille, lors de notre promenade annuelle de l’Action de grâce à la tourbière Mer Bleue. J’ai toujours été captivée par la beauté de l’endroit, mais j’ai pris conscience que je ne savais pas grand-chose sur son origine. Alors, j’ai fouillé un peu…

Une tourbière

À 10 kilomètres à peine au sud-est de la colline du Parlement, se trouve l’un des plus précieux joyaux de la région : les terres humides de la Mer Bleue. Ce symbole de la nature sauvage boréale, au Canada, couvre quelque 3 500 hectares. C’est même une terre humide d’importance internationale désignée en raison de son importance écologique et culturelle. Voici pourquoi tant de personnes la considèrent comme un trésor :

  • C’est un vestige du dernier âge glaciaire. Les experts estiment qu’elle a 7 700 ans!
  • C’est le plus vaste écosystème naturel de la Ceinture de verdure et il s’y trouve la plus grande tourbière de la région.
  • C’est un lieu d’une grande beauté où la nature s’épanouit, évolue et soutient, en dehors de leur aire d’habitation normale, des populations autonomes formées de nombreuses espèces.
  • Des recherches scientifiques menées sur place ont accru les connaissances de l’humanité sur des sujets comme la fonction et la valeur des terres humides, les espèces en péril et le cycle du carbone dans les tourbières.


Une histoire très ancienne

L’histoire de la tourbière Mer Bleue est beaucoup plus ancienne que celle de la CCN. Ce milieu humide est naturel; ce n’est pas un milieu artificiellement créé par l’homme. Au cours de son histoire récente, elle a même été considérée comme une entrave à l’aménagement urbain. Il y a d’ailleurs eu de nombreuses tentatives pour s’en débarrasser, heureusement sans succès.

Nous savons que dès les années 1500, les peuples des Premières nations y trouvaient des remèdes, qu’ils tiraient du thé des bois et du thé du Labrador; ainsi que des aliments, comme des bleuets et des canneberges.

Puis, au début des années 1600, les premiers Européens sont arrivés. Si les explorateurs considéraient cet endroit comme un obstacle aux déplacements, les commerçants de fourrures y voyaient une excellente source de peaux de castors.

Il y a 200 ans, environ, les travailleurs de l’industrie du bois d’œuvre ont commencé à couper à blanc les forêts de la région. Comme il n’y avait pas de bois exploitable dans le secteur Mer Bleue, ils ne s’y sont pas intéressés si ce n’est pour dégarnir les crêtes de sable avoisinantes.

Dans les années 1840 et jusque qu’au début des années 1900, agriculteurs et propriétaires considéraient ces terres humides comme étant incultes. Ils les ont donc délaissées au début. Il y a bien eu quelques initiatives pour assécher le secteur, en brûlant la tourbe, mais elles étaient de faible envergure.

Les premiers véritables assauts subis par la Mer Bleue ont eu lieu dans les années 1920-1930, avec la construction d’un système de fossés de drainage. Heureusement, ce fut un échec. Peu après, deux voies de chemin de fer l’ont traversée : l’une appartenant au Canadien National, dans la partie sud (reliant Montréal), et l’autre, au Canadien Pacifique, au nord. Cette dernière est actuellement une voie abandonnée appartenant à VIA Rail.

En 1942, la Défense nationale a exproprié les habitants de la tourbière afin d’y effectuer des manœuvres de bombardement pendant la Seconde Guerre mondiale. Malgré l’explosion de l’urbanisation, après la guerre, la propriété du terrain par ce ministère a contribué à conserver la Mer Bleue dans sa condition naturelle, sauf pour quelques cratères toujours présents, formés ici et là par l’éclatement des bombes.

C’est en 1950 que l’urbaniste Jacques Gréber a proposé la création d’une ceinture de verdure dans la région de la capitale nationale. Ce plan visionnaire reconnaissait la valeur et l’importance des terres agricoles et naturelles jouxtant les villes. En 1958, la CCN a commencé à acquérir les terres devant former cette ceinture de verdure et, en 1966, la société d’État avait acheté la plupart des terres qui la composent actuellement.

Dans les années 1960, il a été question d’installer un dépotoir municipal dans une partie de la tourbière Mer Bleue (oui, oui, vous avez bien lu!). De 1960 aux années 1970, cependant, scientifiques et naturalistes de la région ont persévéré à révéler l’importance écologique de la Mer Bleue. C’est grâce à leurs constatations si elle a été désignée « terre humide d’importance provinciale », en 1983, et « terre humide d’importance internationale », en 1995, par le gouvernement fédéral, en vertu de la Convention de Ramsar.

Une beauté bien protégée

En 1950, la Commission du district fédéral, renommée la Commission de la capitale nationale en 1959, établissait la Ceinture de verdure dans le Plan de la capitale du Canada (en anglais seulement). L’acquisition des terres à cette fin s’est faite au moyen de l’expropriation et de l’achat de terres, dans les années 1960 et 1970. C’est aujourd’hui la plus grande ceinture de verdure de propriété publique au monde.

La CCN continue de gérer et de protéger la Ceinture de verdure afin de préserver, pour les générations à venir, les trésors naturels comme la Mer Bleue.

Les faits fascinants que j’ai appris à propos de la Mer Bleue, y compris ses caractéristiques uniques et son histoire, m’ont encore plus rapprochée de ce lieu empreint de beauté. La riche histoire de sa survie, malgré les difficultés, n’illustre-t-elle pas la victoire de la nature sur l’homme?

À quoi ressemblera la Mer Bleue dans 50, 100 ou 1 000 ans? Je l’ignore, mais ce que j’espère, c’est que les futures générations prendront amoureusement soin de cette aire protégée qui nous donne envie de la redécouvrir chaque fois que nous y retournons.

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